Les SCPI, traditionnellement valeur refuge, demeurent-elles un rempart contre l’incertitude économique ?

À l'heure où les marchés financiers tanguent sous les effets combinés des tensions géopolitiques, du resserrement monétaire et d'une croissance mondiale erratique, les SCPI apparaissent, à première vue, comme un havre de stabilité. Longtemps perçues comme une alternative sereine entre le rendement obligataire et l’investissement direct en immobilier, ces placements pierre-papier continuent de séduire. Mais cette réputation de rempart face aux crises économiques est-elle encore justifiée dans le contexte actuel ?

 

Une résilience historique, mais une réalité plus nuancée

Historiquement, les SCPI ont démontré une remarquable résilience face aux tempêtes économiques. Pendant la crise financière de 2008, les SCPI de rendement ont enregistré des taux de distribution en baisse modérée, contrastant avec l’effondrement brutal des marchés actions. Idem pendant la crise pandémique mondiale de 2020 : les taux de distribution des SCPI se maintiennent à une stabilité remarquable, à la différence de ceux des placements boursiers. Leur nature immobilière — investie dans des actifs tangibles générant des loyers — permettent cette forme d'ancrage stable.

Cependant, cette solidité repose sur plusieurs piliers : la qualité des actifs détenus, la diversification géographique, la capacité des sociétés de gestion à sécuriser les loyers et la valorisation des portefeuilles.

 

Les nouveaux vents contraires

Aujourd’hui, les SCPI font face à des défis d'une nature différente. La hausse brutale des taux d’intérêt depuis 2022 a provoqué une certaine dévalorisation de la majorité des actifs. L’immobilier tertiaire, notamment les bureaux en centre-ville, est soumis à une double peine : l’essor du télétravail réduit la demande, tandis que les normes environnementales imposent des investissements contraignants de rénovation.

Le prix des parts de plusieurs SCPI a été révisé à la baisse en 2023, une première depuis de nombreuses années. Ce phénomène, longtemps considéré comme marginal, soulève une question majeure : si la valeur du sous-jacent immobilier fléchit, les SCPI peuvent-elles encore générer une véritable protection contre la volatilité des autres classes d'actifs ?

 

Une transformation silencieuse du modèle

Face à cette situation, les sociétés de gestion réinventent leur stratégie. Certaines SCPI accentuent leur diversification internationale, notamment vers les marchés allemands et néerlandais caractérisés par différents cycles immobiliers. D'autres se tournent vers des thématiques de niche comme la santé, la logistique urbaine ou l’immobilier résidentiel intermédiaire, produisant une meilleure visibilité sur les loyers futurs.

Pour certaines autres SCPI, dont les plus récentes, la stratégie est axée sur la suppression des frais d’entrée, permettant alors une durée de détention plus souple (allant du moyen au long terme).

Par ailleurs, une évolution qualitative est en marche : la montée en puissance de SCPI ISR (investissement socialement responsable) qui sont basées sur des critères extra financiers, dont ceux dits ESG (environnement, social et de gouvernance). Les nouvelles réglementations en la matière redéfinissent ainsi les contours de l’investissement immobilier collectif.

 

Un rempart relatif, mais toujours pertinent dans une allocation diversifiée

Il serait imprudent de considérer aujourd'hui les SCPI comme un bouclier absolu contre l’incertitude économique. Leur stabilité relative demeure, mais elle est conditionnée par une gestion rigoureuse, une lecture fine des dynamiques de marché et un choix sélectif des véhicules d’investissement.

Pour un investisseur avisé, les SCPI continuent néanmoins de jouer un rôle-clé dans une allocation d’actifs equilibrée : elles se distinguent par un rendement courant attrayant (avec des taux de distribution de 4.72 % en 2024), une exposition indirecte à l’immobilier et une décorrélation par rapport aux marchés financiers. À condition de diversifier ses placements et d'adopter une approche de long terme, les SCPI peuvent encore constituer un rempart efficace contre l’incertitude.

 

En bref, les SCPI n’échappent pas aux mutations du monde économique. Leur statut de valeur refuge, s’il n’est plus absolu, n’en est pas moins pertinent pour les investisseurs conscients des risques et des évolutions structurelles.

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